Bienvenue dans notre bulletin d’actualité en infectiologie d’avril 2024.

Dans ce numéro, nous aborderons les points suivants :

  • Zona : nouveau vaccin et nouvelles recommandations.
  • Efficacité du vaccin Ebola.
  • Augmentation de la couverture HPV chez les garçons.
  • Alerte rougeole.
  • Injection d’une 2e dose dans le bras opposé pour augmenter l’efficacité vaccinale.
  • Changement du calendrier vaccinal méningocoque.

 

I – Zona : nouveau vaccin et nouvelles recommandations

Le zona est une infection qui peut toucher toutes les personnes qui ont eu la varicelle. Il est dû à la réactivation du virus varicelle-zona, qui peut se produire quand le système immunitaire est affaibli en raison par exemple d’une maladie, d’un traitement (comme une chimiothérapie) ou de l’âge. Ses principales complications sont des douleurs neuropathiques persistantes dites « post-zostériennes ». L’incidence et la gravité augmentent avec l’âge. On compte ainsi près de 10 cas pour 1000 personnes chez les plus de 80 ans. Par ailleurs, le zona entraine en moyenne chaque année l’hospitalisation de 2600 personnes, dont 72% ont plus de 65 ans.

La vaccination permet de prévenir le zona et de réduire les douleurs post-zostériennes. Depuis 2013, le schéma vaccinal recommandé en France contre le zona est composé d’une dose du vaccin Zostavax, pour tous les adultes de 65 à 74 ans révolus.

Un autre vaccin, Shingrix, a toutefois obtenu en 2018 une autorisation de mise sur le marché chez les adultes de 50 ans et plus, étendue en 2020 aux adultes de 18 ans et plus présentant un risque accru de zona. Le schéma de primovaccination par Shingrix comprend deux doses, qui doivent être administrées à deux mois d’intervalle (jusqu’à six mois si nécessaire).

Les données indiquent que l’efficacité du vaccin Shingrix est bien supérieure à celle du vaccin Zostavax. Shingrix a en effet démontré, en vie réelle, qu’il permettait de prévenir l’apparition d’un zona chez 79,3 % des personnes vaccinées, quand cette efficacité s’élève à 45,9 % pour Zostavax. Le vaccin Shingrix s’est également avéré plus efficace dans la réduction des douleurs post-zostériennes (87 %) que le vaccin Zostavax (66 %). Par ailleurs, aucune différence statistiquement significative n’a été constatée entre ces vaccins concernant les évènements indésirables graves suite à la vaccination.

Enfin, par différence avec le vaccin Zostavax, le vaccin Shingrix a montré son efficacité chez les patients immunodéprimés. La HAS recommande ainsi de vacciner avec Shingrix les personnes de 18 ans et plus, dont le système immunitaire est défaillant.

À l’issue de son analyse, la HAS recommande la vaccination des personnes immunodéprimées de 18 ans et plus et de tous les adultes de 65 ans et plus avec le vaccin Shingrix.

Source : HAS Santé 

 

II – Efficacité du vaccin Ebola

Le vaccin rVSVΔG-ZEBOV-GP (Ervebo) réduit non seulement le risque d’infection par le virus Ebola, mais il diminue aussi de moitié les taux de mortalité. C’est le résultat d’une étude publiée dans The Lancet Infectious Disease.

Rebecca Coulborn, épidémiologiste à Epicentre à Paris, en France, et ses collègues ont analysé les données recueillies au cours de la dixième épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo. Leur analyse a révélé que parmi les 2 279 patients atteints d’Ebola confirmé qui ont été admis dans un établissement de santé Ebola entre le 27 juillet 2018 et le 27 avril 2020, le risque de mortalité était de 56 % chez les patients non vaccinés. Chez les patients vaccinés, en revanche, il n’était que de 25 %. La réduction de la mortalité s’appliquait à tous les patients, indépendamment de leur âge et de leur sexe.

Les auteurs de l’étude se sont concentrés sur le vaccin Ervebo, dont l’utilisation contre le virus Ebola du Zaïre est autorisée dans l’Union européenne, aux États-Unis et dans certains pays d’Afrique, entre autres. Il s’agit du seul vaccin contre le virus Ebola dont l’utilisation est actuellement recommandée en cas d’épidémie. Ervebo est administré par voie intramusculaire en une seule dose et est approuvé pour les adultes âgés de 18 ans et plus.

Le vaccin est principalement recommandé pour la vaccination en anneau des personnes présentant un risque élevé d’infection au cours d’une épidémie. Dans les études sur le vaccin, le vaccin a été utilisé pour les vaccinations en anneau parmi les contacts des cas diagnostiqués depuis la fin de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 et 2015 et depuis 2018 en République démocratique du Congo.

L’efficacité préliminaire estimée du vaccin 10 jours après la vaccination est de 97,5 % à 100 %. La durée de la protection est inconnue. Les personnes qui sont tombées malades malgré la vaccination ont généralement connu une évolution plus bénigne de la maladie.

Bien qu’il faille vacciner le plus tôt possible lors des épidémies d’Ebola, les résultats de l’étude Epicentre ont montré que le vaccin protège toujours contre le risque d’infection, même lorsqu’il est administré après l’exposition au virus.

Source : The Lancet – Infectious diseases 

 

III – Augmentation de la couverture vaccinale HPV chez les garçons

Une étude menée auprès de médecins généralistes français confirme que les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en faveur de la vaccination anti-papillomavirus (HPV) des garçons de 11 à 14 ans, puis son remboursement, ont eu un effet favorable sur leur pratique:

  • Bien qu’ils soient plus enclins à proposer systématiquement la vaccination anti-HPV aux garçons par rapport à leur pratique antérieure, ce taux reste inférieur à celui qu’ils déclaraient pour leur patientèle féminine.
  • L’étude montre que les arguments avancés aux adolescents et aux parents pour proposer la vaccination anti-HPV n’étaient pas les mêmes en fonction du sexe de l’enfant. Par ailleurs, le sexe du généraliste semblait aussi influencer les pratiques.
  • Les médecins interrogés se disaient favorables à des campagnes ciblées en milieu scolaire et à une consultation dédiée à la vaccination.

Au total, 360 médecins généralistes ont participé à l’étude (76,6 % de femmes, âge moyen 34,7 ans), parmi lesquels 16,4 % avaient une formation complémentaire en gynécologie et 6,9 % en pédiatrie. Les participants étaient globalement très favorables à la vaccination des filles âgées de 11 à 19 ans révolus contre le HPV (91,0 %) et à celle des garçons de même âge (84,9 %), 0,5 % seulement se déclarant opposés à cette mesure chez les garçons. Ils étaient moins de 2 % à exprimer des doutes sur l’efficacité ou sur les effets secondaires potentiels du vaccin anti-HPV 9-valent. Avant les préconisations de la HAS, seuls 5,5 % proposaient systématiquement la vaccination anti-HPV aux garçons alors qu’ils étaient 84,7 % à la proposer systématiquement aux filles. Depuis, ils sont 61,2 % à la proposer systématiquement aux garçons et seuls 2,6 % d’entre eux ne la proposent jamais.

La vaccination programmée à l’âge de 11 ans ou les consultations de routine étaient les moments privilégiés auxquels le sujet était abordé, avec une argumentation adaptée : s’ils évoquaient plus volontiers la protection contre les cancers HPV induits chez les filles (98,3 % versus 89,2 % chez les garçons, p < 0,0001), c’était la réduction du risque de transmission en population qui était plus souvent évoquée pour les garçons (78,1 % versus 51,8 %, p < 0,0001). L’adhésion à la vaccination anti-HPV était plus facilement obtenue chez les filles que chez les garçons ou auprès de leurs parents. Au total, 79,2 % des médecins généralistes étaient favorables à des campagnes de vaccination dans les écoles, et 66,4 % à la création d’une consultation dédiée à la vaccination.

Selon l’analyse multivariée, le fait d’être un médecin généraliste de sexe féminin (OR 2,0 [1,2-3,3], p = 0,007), et le fait de proposer systématiquement la vaccination anti-HPV avant 2019 (OR 13,3 [1,7-101,7], p = 0,01) étaient les facteurs les plus fortement associés aux chances de proposer systématiquement la vaccination anti-HPV aux garçons.

Source : Inserm Biblio 

 

IV – Alerte rougeole en Anvergne Rhone Alpes

Depuis septembre 2023, la région Auvergne-Rhône-Alpes connaît une recrudescence des cas de rougeole. Plus de 130 cas ont été déclarés, notamment en Ardèche, Haute-Savoie, dans la Drôme et dans le Rhône. Dans ce contexte, l’ARS recommande vivement à toutes les personnes nées après 1980 (enfants et adultes) de vérifier leur statut vaccinal et d’être vigilantes en cas de symptômes évocateurs.

L’augmentation du nombre de cas de rougeole en Auvergne-Rhône-Alpes s’inscrit dans un contexte de recrudescence en France, en Europe et dans le monde (source : OMS). Depuis septembre 2023, plus de 130 cas de rougeole ont été déclarés, contre un seul en 2021 et un seul en 2022. 3 principaux foyers de rougeole ont été identifiés ces derniers mois. Une dizaine de cas dans d’autres départements ont également été signalés à l’ARS, sans lien apparent avec d’autres cas.

Pour les 3 foyers, les investigations ont démontré que le cas d’origine (cas index) était à chaque fois une personne non-vaccinée, revenue récemment d’un voyage à l’étranger.

 

Recommandations de la DGS en conséquence :

A. Recommandations sanitaires

  • Le diagnostic clinique de la rougeole doit être évoqué devant tout patient, quel que soit son statut vaccinal, en présence d’une fièvre ≥ 38,5°C associée à une éruption maculo-papuleuse et d’au moins un des signes suivants : conjonctivite, rhinite, toux, signe de Köplik. Les patients sont contagieux 5 jours avant l’apparition de l’éruption.
  • Une confirmation biologique est indispensable préférentiellement par prélèvement oropharyngé et amplification génique par RT-PCR, l’ARN viral étant détectable de quelques jours avant le début de l’éruption jusqu’à environ 10 jours après.

 

B. Signalement précoce

Tout cas cliniquement évocateur (y compris avant résultats biologiques) doit faire l’objet d’un signalement sans délai au point focal régional de l’Agence Régionale de Santé (ARS) par tout moyen approprié (téléphone, mail) ou à l’aide de la fiche de déclaration obligatoire même si tous les items n’ont pu être renseignés, ils pourront être complétés par la suite.

 

C. Mesures d’urgence

En salle d’attente dans un cabinet médical de ville, il convient d’isoler le patient (mise à l’écart des autres patients), limiter ses déplacements au strict nécessaire (et lui faire porter un masque chirurgical) et accélérer sa prise en charge afin d’éviter les contacts avec d’autres malades en salle d’attente.

  • Des mesures d’éviction sont recommandées pendant toute la période de contagiosité du cas à savoir dès les premiers symptômes jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption ;
  • Identifier les personnes à risque de forme grave parmi les contacts proches d’un cas afin de leur proposer des mesures de prophylaxie post-exposition soit par une vaccination avec une dose du vaccin trivalent ROR à réaliser dans les 72h chez les nourrissons de 6 à 11 mois révolus (en respectant les contre-indications habituelles) soit par l’orientation vers une prise en charge hospitalière pour administration d’immunoglobulines polyvalentes dans les 6 jours suivant le contage (contact avec un cas confirmé de rougeole) pour les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes, les nourrissons de moins de 6 mois nés de mère non-immune et les nourrissons de 6 à 11 mois n’ayant pas pu être vaccinés dans les 72h suivant le contage ;
  • Vérifier le statut vaccinal de toutes les personnes en contact avec un cas et nées à partir de 1980 en vous assurant que chaque personne a bien reçu deux doses de vaccin contre la rougeole avec un délai minimum d’un mois entre les deux doses ou trois doses pour les personnes ayant initiées leur vaccination avant l’âge de 12 mois et compléter le schéma vaccinal si besoin. Cette vaccination, si elle est réalisée dans les 72 heures qui suivent un contact avec un cas, peut éviter la survenue de la maladie. Elle reste préconisée même si ce délai est dépassé. Les personnes nées avant 1980, sans antécédent de rougeole et travaillant dans les secteurs mentionnés ci-dessous, doivent également vérifier leur statut vaccinal :
  • Professionnels de santé
  • Personnels travaillant dans des services accueillant des patients à risque de rougeole grave (immunodéprimées)
  • Professionnels de la petite enfance

Remarque : avant 1980, la rougeole était très fréquente en France : les personnes nées avant cette date ont donc de très fortes probabilités d’avoir contracté cette maladie et d’être immunisées.

 

D. Mesures de prévention

Dans le contexte de recrudescence attendue dans les prochains mois, nous vous remercions de bien vouloir procéder en routine quel que soit le motif de consultation à la vérification du statut vaccinal de vos patients contre la rougeole selon les recommandations en vigueur du calendrier vaccinal dans le respect des contre-indications habituelles du vaccin trivalent ROR.

 

Sources :

 

V – Injection d’une 2e dose dans le bras opposé pour augmenter l’efficacité vaccinale

Une étude américaine publiée en janvier 2024 montre qu’il semble plus efficace d’administrer la première dose vaccinale à ARNm contre le COVID dans un bras, la seconde dans l’autre bras. Pour montrer cela, ils ont randomisé 947 personnes en deux groupes, l’un en ipsilatéral, l’autre en controlatéral.

Environ deux semaines après la deuxième dose, le dosage des anticorps sanguins livre des résultats similaires dans les deux groupes. C’est seulement par la suite que les résultats divergent, et ce de manière notable. Huit mois après la deuxième dose, le titre d’anticorps était de 20 % plus élevé dans le groupe contralatéral pour les immunoglobulines de type G (IgG) anti-RBD du virus SARS-CoV-2, et de 30 % plus élevé 14 mois après la deuxième dose.

Quant au taux d’anticorps neutralisants contre le virus, il était deux fois plus élevé dans le bras contralatéral contre la souche Wuhan à 14 mois, voire quatre fois plus élevé contre une souche Omicron. Une différence qui, au-delà de la simple production d’anticorps, pourrait selon les chercheurs avoir des implications en termes de protection contre le virus.

Selon les chercheurs, le vaccin contre le Covid-19 n’est peut-être pas le seul pour qui l’approche contralatérale serait la plus efficace, mais d’autres travaux seront nécessaires pour prouver si tel est effectivement le cas pour d’autres vaccins. Parmi les rares travaux menés sur le sujet, une étude britannique de 2015 a de même suggéré la supériorité de l’approche contralatérale chez l’enfant, pour le vaccin DTaP-IPV-Hib (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite, Haemophilus influenzae de type B) et le vaccin antipneumococcique PCV13.

Source : JCI 

 

VI – Changement du calendrier vaccinal pour le méningocoque

Après plus de deux années de faible incidence des cas d’infections invasives à méningocoques, attribuable à la mise en place des mesures (barrières) pendant la pandémie de Covid-19, les données de surveillance des infections invasives à méningocoques issues de Santé publique France, sur l’année 2022 et 2023, montrent une reprise de la circulation des méningocoques (tous sérogroupes confondus).

Dans ce contexte d’évolution défavorable de l’épidémiologie des infections invasives à méningocoques, la Direction Générale de Santé (DGS) a saisi la HAS afin d’évaluer la pertinence d’actualiser les recommandations relatives à la stratégie de vaccination contre les infections invasives à méningocoques.

En ce qui concerne la vaccination dirigée contre les sérogroupes ACWY :

  • La HAS recommande de rendre obligatoire la vaccination tétravalente chez tous les nourrissons, en remplacement de la vaccination méningococcique dirigée contre le sérogroupe C, selon le schéma vaccinal à deux doses ci-après : une dose unique de primovaccination à l’âge de 6 mois suivie d’une dose de rappel à l’âge de 12 mois,
  • La HAS ne recommande pas la mise en place d’un rattrapage de la vaccination ACWY chez les enfants de plus d’un an,
  • La HAS recommande la vaccination tétravalente chez tous les adolescents selon un schéma à une dose administrée entre 11 et 14 ans, indépendamment de leur statut vaccinal,
  • En parallèle, la HAS recommande la mise en place à l’échelle nationale d’un rattrapage vaccinal chez les 15-24 ans.
  • La HAS précise que les recommandations en vigueur concernant la vaccination tétravalente dans les populations particulières, pour les professionnels et autour d’un ou plusieurs cas d’infections invasives à méningocoques demeurent inchangées.

 

En ce qui concerne la vaccination dirigée contre le sérogroupe B :

  • La HAS ne recommande pas à ce stade d’élargir à tous les adolescents la vaccination dirigée contre le sérogroupe B,
  • La HAS préconise toutefois que la vaccination dirigée contre le sérogroupe B puisse être remboursée chez tous les adolescents et jeunes adultes de 15 à 24 ans souhaitant se faire vacciner,
  • La HAS recommande en outre de renforcer la stratégie actuellement en vigueur contre le sérogroupe B chez les nourrissons en rendant obligatoire cette vaccination actuellement recommandée,
  • La HAS recommande par ailleurs le maintien de la stratégie actuellement en vigueur chez les personnes à risques et en situation d’hyperendémie.

Source : HAS Santé

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